8 focales pour dessiner de nouvelles approches du développement économique…

L’enquête Rebonds bat son plein, et nous explorons chacun des 8 changements de paradigmes que nous avions cartographiés en début de programme et qui nous semblent nécessaires pour ré-encastrer les politiques de développement économique local dans les enjeux de transition écologiques et de justice sociale. En équipe de 2 à 5 agents en charge du développement économique au sein des 10 collectivités participantes, nous croisons les regards de différents territoires, de leurs élus et agents, avec ceux de praticiens, chercheurs ou experts afin de remettre en question et enrichir nos premières intuitions .  Pour cela, nous avons resserré chaque thème autour de quelques angles qui nous semblaient les plus utiles et fertiles. En voici un panorama, encore impressionniste, mais nous l’espérons utile.

#1 Donut economics, économie régénérative, community weath building … Comment faire usage de nouveaux modèles pour penser le développement économique à l’aune des besoins à long terme d’un territoire ? 

Comment repenser nos politiques de développement économique en se focalisant sur la couverture des besoins plus que sur la croissance ? Une variété de nouveaux cadres théoriques  cherchent aujourd’hui à penser différemment le développement territorial : objectifs de développement durable définis par l’ONU, limites planétaires et sociales avec notamment le doughnut economics, économie circulaire, économie de la fonctionnalité et de la coopération, économie régénérative, community wealth building, etc. Ceux-ci varient dans leurs hypothèses et partis pris, leur visée plus ou moins transformatrice au regard des approches traditionnelles du développement économique ,  le rôle de l’acteur public et la manière dont ils s’incarnent ou pas dans des approches territorialisées.

En quoi ce modèles peuvent–ils être utiles, par exemple pour reformuler les problèmes d’un territoire, mettre en débat les visions et les choix, faire émerger un récit collectif et mobilisateur… ? Quelle boussole pour s’orienter et comprendre leurs grandes orientations, les leviers qu’ils activent, leurs points de divergences, les controverses qu’ils soulèvent ? Quels objets concrets des politiques de développement économique peuvent-ils venir éclairer et/ou bousculer ? A quelles conditions le récit qu’il proposent peut il être transformateur sur le territoire ? Pour explorer ces questions,nous avons pris le parti d’explorer trois modèles : le Community Wealth building, le donut et l’économie régénérative.

Pour explorer ce thème nous avons échangé notamment avec Olivier Bouba Olga, économiste et chef du service études et prospectives de la région Nouvelle Aquitaine, Virginie Raisson-Victor, présidente du GIEC Pays de la Loire, Gabriel Renault, chercheur au laboratoire Pacte, la Convention des entreprises pour le Climat Ouest, le cabinet immaTerra.

Des objets administratifs à regarder : #Commandepublique #Évaluation #Zoned’aménagementéconomique 

#2 Quelles alliances entre collectivités et acteurs économiques pour réduire les inégalités sociales ? 

À quelles conditions les politiques de développement économique peuvent-elles être un facteur de réduction des inégalités et d’inclusion ? Comment accompagner une meilleure prise en compte, par les entreprises, des questions d’emploi et d’insertion et plus largement de leur responsabilité territoriale ? Dans un contexte de fortes disparités locales voire infralocales en terme d’emploi, comment territorialiser la question sociale et inciter au développement de la gestion prévisionnelle territoriale des emplois et compétences  ? Quand les compétences insertion, emploi, formation, etc. sont dispersées entre les différents échelons, quels outils et gouvernance mobiliser pour soutenir une approche plus stratégique des acteurs publics sur un même territoire?

Quels nouveaux modes de mobilisation des acteurs économiques pour mieux prendre en compte les besoins à long terme du territoire, stimuler l’emploi local et soutenir les initiatives communautaires ?  « Responsabilité territoriale des entreprises », « fondations territoriales » « employeurabilité / employabilité »… des leviers et outils émergent/se développent pour renforcer  l’ancrage territorial des entreprises, et travailler avec elles les questions d’emploi et d’insertion sur le territoire. Comment, du point de vue des collectivités, construire le dialogue avec les  nouveaux collectifs entrepreneuriaux – Mouvement Impact France, Convention des Entreprises pour le Climat…), vecteurs d’un nouveau paritarisme territorial ? Quels leviers, enfin, pour repenser ensemble des services clés du territoires ?

Pour explorer ces sujets nous avons mené nos entretiens avec notamment : La Maison de l’insertion et de l’emploi de Lyon, Metz Mécènes solidaires, la fondation territoriale de Metz Métropole, la villeet la Métropole de Nancy, France Urbaine, l’ANRU, Yannick L’Horty, chercheur/économiste spécialiste de la question de l’emploi, de l’évaluation des politiques publiques

Les objets et interfaces à explorer : #achat public et clauses d’insertion ; #outils de mesure et de mise en visibilité des discriminations à l’emploi #fondations territoriales

#3 Comment dépasser la logique de compétition économique entre territoires ? 

Quels leviers actionner pour transformer le rapport de force entre métropoles et territoires adjacents, vers de nouvelles formes de réciprocité et des coopérations plus équilibrées ? En quoi la raréfaction des ressources, et des évolutions comme le ZAN, représentent-elles une opportunité pour une réflexion partagée urbains/ruraux ?

Au moins trois pistes nous semblent intéressantes pour aller plus loin dans cet enjeu. La première consisterait à rendre plus tangibles ces enjeux de réciprocité en rassemblant des données locales et leurs représentations (cartes, outils, tableaux, bases de données), mais aussi  identifier celles qui nous manquent pour identifier la sphère d’influence des territoires, leur degré de dépendance, les flux, etc. La seconde viserait à explorer ces nouvelles coopérations comme un ensemble de compétences nouvelles, à développer au sein des équipes de développement actuelles et futures. La troisième consisterait à explorer le rôle spécifique des élu-es dans ces formes de coopération : quelles sont leurs besoin, faut-il les former, les outiller pour davantage coopérer ?

Pour explorer le sujet, les entretiens ont déjà été menés (Magali Talandier, Caroline Bouvard, Metro, Franck Muratet, Grand Nancy, Jean-Pierre Ferrante, PDG Subtran, et d’autres sont à venir (Hélène Maury, responsable des alliances à Nantes Métropole, Martin Vanier, géographe)

Des lectures inspirantes : Un rapport présentant des exemples de coopérations urbain-rural en Europe, produit par le réseau Eurocities, les rapports de France Stratégies, etc.

Des objets administratifs à regarder : les données disponibles dans les schémas et atlas économiques locaux actuels ; les outils de formation des agents et des élu-es (ex un nouveau projet de formation au développement économique « nouvelle génération » au CNAM)

#4 Piloter la sobriété foncière, à la croisée des usages ?

Les multiples crises que nous traversons viennent questionner notre rapport à des ressources autrefois perçues comme illimitées. Parmi celles-ci, la perception du foncier comme rare est relativement récente en France où l’aménagement, notamment à vocation économique, a été particulièrement consommateur d’espace. Le « Zéro Artificialisation Nette » pousse les acteurs de l’aménagement à reconsidérer leur rapport au sol et aux autres. Face à un stock contraint, l’aménagement foncier devra réaliser des arbitrages non plus seulement sur des bases économiques, mais aussi au regard de critères liés à la qualité des sols, à leur recyclage et aux services écosystémiques qu’ils rendent.  L’enjeu est selon nous de sortir d’une approche purement arithmétique et en silos (thématiques et géographiques) de la sobriété, au profit d’une réflexion plus systémique et transversale,prospective et collective,  éclairée  des enjeux de transitions écologique et sociétaux.

De quelle manière une politique foncière peut-elle tenir compte de la qualité des sols (fertilité, pollution, gestion de l’eau, argile, érosion, risques climatiques), de leur positionnement géographique (proximité d’une source d’énergie, tension foncière, dynamique politique)  de leurs usages sociaux (destination des sols ; lutte des classes foncières), et ce, en croisant les enjeux agricoles, économiques et d’habitabilité ? Quels indicateurs, outils (statistiques, cartographie) et montée en compétence adopter pour  envisager des politiques foncières  territoriales plus objectives,  partagées et raisonnées ? Par ailleurs, quelle gouvernance des politiques foncières adopter pour  renouer le dialogue et réinstaurer la confiance entre la diversité des parties prenantes, y compris la société civile   ? Serait- il utile, pour progresser vers une autre gestion des sols, de rendre visible les points de tension et conflictualités entre les différents usages du sols et modèles qui les sous-tendent?

Comment représenter les points de tension et conflictualités entre les différents usages du sols et modèles qui les sous-tendent? Comment mobiliser, y compris dans de petites collectivités, les ingénieries et compétences nécessaires pour une gestion plus stratégique et sur-mesure du foncier, et aider à l’émergence d’activités et d’usages plus respectueux du sol? Peut-on enfin repenser le rôle et les outils du développeur économique pour dessiner de nouveaux modes de dialogue et d’interaction avec les acteurs économiques, adresser les conflictualités, construire du sens collectif autour de l’enjeu de sobriété foncière ?

Nos premiers échanges se sont tissés avec le maire de Lagruère autour notamment de l’usage temporaire des terres non utilisées par une gravière pour des projets d’agriculture biologique, avec l’établissement foncier de la région Nouvelle- Aquitaine, acteur majeur des politiques foncières territoriales, avec un agriculteur-viticulteur membre du réseau des fermes de Garonne, engagé dans une gestion durable du sol, et avec le directeur d’un groupement de 200 producteurs agricoles porteur d’innovation et de sens.

Les objets administratifs à regarder : #Plan d’alimentation territorial #Observatoires #SCIC #Planification …

# 5 Quels outils pour accompagner la transition des entreprises sur son territoire ?

Les développeurs économiques disposent d’une palette large d’outils (fiscalité, réglementation, aides financières, labellisation, animation économique, etc.) pour soutenir et accompagner les entreprises de leurs territoires dans leurs démarches de transition, que ce soit collectivement ou de manière individuelle. On peut cependant légitimement s’interroger sur l’efficacité et les capacités respectives de ces outils à produire du changement, impulser ou amplifier les transformations nécessaires (en terme d’organisation, de management, de gouvernance, etc.), au-delà du soutien aux innovations de produits ou de services. De plus, certains leviers, qui  ne relèvent généralement pas de la même direction au sein de la collectivité (la stratégie d’achat public notamment), semblent s’intégrer plus difficilement dans la boîte à outils du dév éco.

Ce groupe explore notamment les usages et effets du travail en réseau, des outils de mesure d’impact/auto-diagnostic RSE et de l’incitation aux coopérations, en particulier entre acteurs d’une filière sur un territoire (par exemple via une SCIC) pour accompagner le changement et s’interroge sur l’apport possible de méthodes et disciplines comme les sciences cognitives pour agir sur les TPE-PME. Plus largement il s’agit d’examiner comment un outil (ou plus vraisemblablement un ensemble d’outils) pourrait faire effet levier sur un grand nombre d’entreprises.

Nos premiers échanges : un chercheur et chef de projet Mutations économiques en Région, qui a notamment travaillé sur les aides à l’industrie ; le service offre de services aux entreprises d’une métropole qui a testé l’Impact score ;  un chercheur-praticien en sciences cognitives ; une SCIC …

# 6 Comment repolitiser l’évaluation des politiques de développement économique ?

Le travail d’évaluation d’une part, l’emploi de nouveaux indicateurs d’autre part, peuvent-ils contribuer à faire bifurquer les politiques de développement économique vers une meilleure prise en compte des enjeux écologiques et sociaux ? Si les politiques de développement économiques sont très régulièrement évaluées, elles le sont plus au prisme de l’efficacité des dispositifs existants que de leurs leur impacts, et viennent encore moins éclairer les partis, les visions qui les sous-tendent, puisque l’emploi reste le principal enjeu considéré. De nouveaux indicateurs sont de plus en plus élaborés et testés, cherchant à offrir une grille de lecture sur la soutenabilité, l’habitabilité, la résilience, ceux-ci ne considèrent que peu les dimensions économiques, ou de manière marginale (en s’intéressant par exemple au sujet de l’alimentation).

Parmi les questions que nous souhaitons creuser : Quelles sont les conditions nécessaires, pour que l’évaluation puisse mieux contribuer à éclairer les choix et impacts des politiques de développement économique, à la mise en débat  ? Quels leviers pour renforcer le rôle ‘éducatif ‘des collectivités dans le champ économique en lien avec l’usage les nouveaux indicateurs ? Et si on ouvrait les services d’évaluation à des saisines citoyennes afin d’être en mesure de questionner les finalités et impacts du développement économique ? 

Nous avons, pour éclairer ces sujets, interrogé le cabinet Quadrant Conseil ; l’agence d’urbanisme de la Métropole européenne ; le service évaluation d’un EPCI ; PTCE Figeacteurs ; La chaire audencia ; l’Agglomération de Valence-Romans et la Ville de Grenoble, qui l’une et l’autre expérimentent le Donut sur leur territoire

Des objets administratifs à regarder: #évaluation #nouveaux indicateurs #formation

# 7 Comment faire émerger une stratégie partagée entre acteurs économiques divers sur un territoire ?

La grande diversité des cultures, valeurs et modèles portés par les acteurs économiques implantés sur un même territoire peine à se traduire aujourd’hui dans les espaces de gouvernance économique. Pourtant, les enjeux écologiques et sociaux nécessitent de dépasser ces différences pour impulser des dynamiques plus collectives, des stratégies de transition partagées.

Ce groupe s’intéresse aux coopérations et mises en commun informelles, sur mesure et au cas par cas et celles qui se tissent au sein des instances traditionnelles de représentation ou des grands « clubs » d’entreprises. Que peut-on attendre de ces nouvelles coopérations ? Quel rôle la collectivité peut-elle ou doit-elle jouer pour initier ou appuyer ces dynamiques ? Comment peut-elle se saisir du concept de responsabilité territoriale des entreprises (RTE) pour accompagner ce changement de pratiques ? Comment s’appuyer sur les collaborateurs et collaboratrices engagé.e.s en tant que citoyen.ne.s dans les transitions ? Il se questionne aussi sur la place à donner aux acteurs « alternatifs » ou perçus comme minoritaires (ESS, micro-entreprises, structures de formation et d’insertion, etc.) dans les politiques de développement économique.

Nos premiers échanges : la chercheuse Maryline Filippi qui travaille sur la Resposabilité Territoriale des Entreprises, la SCOP Alma, l’entreprise Beausoleil, ArianeGroup, le directeur de l’agence de développement économique Invest in Bordeaux …

# 8 Quelles théories et méthodes pour s’organiser face aux problèmes complexes du développement économique ? 

Re-diriger le développement économique vers des finalités écologiques et sociales pose un ensemble de problèmes d’une grande complexité – par exemple sortir de nos clivages habituels sur la croissance, nous libérer des organisations en silos, repenser nos visions de l’emploi, de l’attractivité, de l’équilibre territorial, de l’usage des subventions, du foncier et de ressources naturelles toujours plus rares… Cette complexité appelle des transformations à la fois individuelles, collectives et institutionnelles pour lesquelles nos approches cartésiennes ne sont pas adaptées. D’autres méthodes, plus itératives et expérimentales, ont pour point commun de chercher à traiter les problèmes à leurs racines plutôt que leurs seuls symptômes, ou encore de favoriser la coopération plutôt que la mise en concurrence. Notre objectif est de rendre suffisamment concrets les concepts liés aux problèmes systémiques, et de nous familiariser avec un ensemble de méthodes de transformation publique, souvent émergentes en Europe et dans le monde, de nature à mieux traiter ces problèmes.

Pour approfondir ces questions, nous creusons la piste d’outils pédagogiques, de boussoles, d’instruments qui nous permettraient de rendre plus accessibles les principes de la systémique tels qu’ils pourraient s’appliquer à de nouvelles politiques de développement économique. En parallèle nous cherchons à mieux comprendre les caractéristiques de quelques méthodes de traitement des problèmes complexes : gouvernance expérimentale, innovation par mission, R&D sociale, recherche action participative, design systémique, etc.

Nos entretiens : avec les animateurs de la théorie du Donut à Romans et Valence, et bientôt avec Coralie Gervaise (ex-UCL à Londres), Laura Douchet (Ellyx), etc.

Quelques lectures utiles:  mieux comprendre les « wicked problems » ou problème sournois, l’exemple du programme « ACDC » sur la systémique mené par la Fondation du France, un article de Christian Bason (Danish Design Center) pour se familiariser avec l’innovation par mission…

Les objets administratifs à regarder : l’enseignement classique à la « conduite de projet », les compétences des directions innovations en matière de problèmes complexes (ex mission R&D à la MEL), les nouvelles agences de développement économique en cours de création (ex l’Agence de développement et des transitions, à Montpellier)…

 

 

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